Carola Lagomarsino-Vieytes

Banquet, histoire





Les cigales ne seront bientôt plus gardiennes du silence. On entend déjà le galop des chevaux au loin comme l’annonce d’un événement heureux ; vent battements de cœur, tambour dont le son retentit sur les montagnes alentour, rebondissant sur la mer, frôlant les fleurs des oranges, pour enfin arriver aux portes de la cité.

Ce son s’affiche pour passer la porte entrebâillée d’une chambre, où une jeune fille s’est endormie.

La caresse du son ouvre son œil vert, elle se lève, glisse ses pieds dans des sandales de cuir et sort en recouvrant ses épaules d’une simple étoffe.

Au même moment, le chef de la cavalerie met pied à terre, les autres bientôt suivent son exemple et tous prennent le chemin de la plus riche demeure de la cité où se prépare un banquet.

Une par une les femmes franchissent le seuil, tandis que les musiciens s’échauffent, faisant sortir de leurs instruments des mélopées improvisées.

On apporte des grandes corbeilles de fruits et les premiers plats habillent la pièce de leurs épais parfums d’épices.

Quelques lanternes s’allument comme autant d’étoiles sur le plafond écarlate.

La jeune femme rentre et va saluer ma maîtresse de ces lieux qui se regarde dans un miroir porté par deux anges, apporte les derniers détails à sa toilette… Après quoi, elle va prendre sa place auprès des autres femmes.

On attend les cavaliers.

Ils apportent sous leurs manteaux, couverts encore du sable du désert, des présents pour les dames dont le vin qu’elles leur offriront apaisera leur soif et fera jaillir de leurs gorges de guerriers des rires qui résonneront à l’infini, s’élevant jusqu’à troubler l’oisiveté mélancolique de la lune.

La fête commence, le temps s’arrête.

La musique prend possession de la cité, allant jusqu’aux oreilles du passant, l’invitant à se détourner de sa route pour, l’espace d’une nuit, être l’invité d’un songe offert aux sens.

Tapant des pieds et des mains, les danseuses entraînent la jeune femme à les suivre, elle devient peu à peu l’esclave du rythme, chef suprême qui s’enivre de son propre pouvoir.

Mais étourdie soudain par tant de rondes, elle sort dans la fraîcheur de la nuit, suivie d’une ombre ailée. Elle s’en retourne chez elle par les rues désertes pour s’endormir, ou peut-être s’éveiller, car le soleil ne va pas tarder à remonter sur le trône qu’a sculpté pour lui la montagne.



 

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